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Opposition d’un préfet à un legs reçu par une association

Toutes les associations peuvent posséder et administrer les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement de l’objet défini dans leurs statuts (siège social, bureaux, logements pour leurs bénéficiaires, entrepôts, etc.).

Les associations déclarées depuis au moins 3 ans et dont l’ensemble des activités est mentionné à l’article 200 1 b) du Code général des impôts, soit celles d’intérêt général, disposent, quant à elles, d’une capacité juridique plus grande puisqu’elles peuvent posséder et administrer tous les immeubles acquis à titre gratuit, et notamment par legs, même s’ils ne sont pas strictement nécessaires à l’accomplissement de leur objet. Ceci leur permet ainsi d’augmenter et de diversifier leurs ressources, notamment, par exemple, en donnant à bail des logements ou des locaux professionnels.

Par ailleurs, sauf pour les associations reconnues d’utilité publique, le préfet peut s’opposer à la réception d’un legs par une association s’il constate que celle-ci ne dispose pas de la capacité juridique à le recevoir ou qu’elle n’est pas apte à l’utiliser conformément à l’objet défini dans ses statuts. Cette aptitude devant, le cas échéant, s’apprécier par rapport aux charges et conditions accompagnant le legs.

Une illustration récente de ces principes juridiques

Un arrêt récent du Conseil d’État propose une illustration intéressante de l’articulation de ces principes juridiques.

Dans cette affaire, une association d’intérêt général déclarée depuis plus de 3 ans avait reçu un legs de plusieurs biens immobiliers que le préfet avait validé. Cette décision avait alors été contestée en justice par les héritiers de la défunte.

La Cour administrative d’appel de Lyon avait accepté cette demande et ordonné au préfet de s’opposer au legs. En effet, l’association légataire avait pour objet d’organiser des actions de bienfaisance afin de venir en aide à des personnes dans le besoin. Or, par son testament, la défunte lui imposait de mettre les immeubles à la disposition exclusive, gratuite et illimitée dans le temps d’un parti politique. Les juges en avaient conclu que la condition imposée par la défunte ne permettait pas à l’association d’utiliser ces immeubles conformément à son objet statutaire puisque l’objet social du parti politique était étranger à l’entraide et à la bienfaisance.

Pour le Conseil d’État, la Cour administrative d’appel ne pouvait pas demander au préfet de s’opposer au legs en invoquant seulement le fait que l’association n’était pas apte à utiliser les biens immobiliers conformément à son objet. En effet, en tant qu’association d’intérêt général déclarée depuis plus de 3 ans, elle pouvait administrer tous les immeubles acquis à titre gratuit, et pas uniquement ceux strictement nécessaires à l’accomplissement de son objet. Le Conseil d’État a donc invalidé le raisonnement juridique de la Cour administrative d’appel.

Un legs non validé

Pour autant, en s’appuyant sur un autre raisonnement juridique, le Conseil d’État a également refusé de valider le legs reçu par l’association. Il a, en effet, relevé que lorsque l’immeuble légué n’est pas destiné à être utilisé pour l’accomplissement de l’objet statutaire de l’association, le préfet peut s’y opposer lorsque les charges et conditions dont il est grevé font obstacle à ce que l’association en retire un avantage économique suffisant ou sont incompatibles avec son objet statutaire ou lorsque l’association n’apparaît pas en mesure d’exécuter ces charges et conditions.

Pour conclure que le préfet aurait dû s’opposer au legs, les juges ont retenu :- dans un premier temps, que les immeubles légués à l’association devaient, conformément au souhait de la défunte, être mis à la disposition exclusive, gratuite et illimitée d’un parti politique. Ce qui était incompatible avec son objet statutaire qui était de poursuivre un but de bienfaisance à l’égard des personnes physiques les plus démunies ;- dans un second temps, que cette mise à disposition empêchait l’association de retirer de ces immeubles un avantage économique suffisant.

Conseil d’État, 17 juin 2024, n° 471531

Article publié le 07/10/2024 - © Les Echos Publishing

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