L’informatisation du monde professionnel n’a pas eu d’incidences majeures sur la consommation du papier. Ainsi, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), chaque salarié consommerait entre 70 et 85 kg de papier par an (chiffres 2016). Entamer une démarche permettant de réduire drastiquement l’usage du papier est donc au programme des entreprises inscrites dans une phase de transition écologique. Mais comme le précise l’Ademe dans son guide « La face cachée du numérique », réduire sa consommation de papier doit s’accompagner d’une utilisation raisonnée, pour ne pas dire raisonnable, de sa messagerie électronique et des outils numériques en général. Pourquoi ? Tout simplement parce que le stockage, mais également la circulation des quelque 293 milliards de courriels qui s’échangent chaque jour dans le monde (chiffres Radicati Group 2019), nécessitent la fabrication et l’entretien de machines (serveurs, routeurs…) et d’infrastructures énergivores dont la production et le retraitement, en tant que déchets, sont très polluants. Le constat dressé par l’Ademe est amer : 25 % des documents sont jetés après leur impression et 16 % ne sont jamais lus… Sans bouleverser les méthodes de travail de chacun, il est ainsi possible de réduire drastiquement la consommation de papier en n’imprimant que ce qui est nécessaire. Autrement dit, seulement les documents qui ont vocation à être régulièrement consultés. Pour les autres, une lecture sur l’écran reste écologiquement moins néfaste. En outre, l’impression elle-même doit être maîtrisée. Et pour nous y aider, l’Ademe nous livre un certain nombre de conseils dans son guide « Éco-responsable au bureau ». L’agence invite ainsi chacun d’entre nous à optimiser la mise en page des documents imprimés en supprimant les images inutiles, les espaces vides, les publicités, etc. Il convient, en outre, là encore dans le but d’économiser le papier mais également l’encre et l’énergie dépensée par les machines, d’imprimer les documents recto-verso et en noir et blanc. Réutiliser les feuilles déjà imprimées sur une face, voire imprimer plusieurs pages sur la même feuille est également fortement conseillé par l’agence. Enfin, sortir les imprimantes des bureaux individuels pour les rendre collectives a généralement une influence déflationniste sur le nombre de documents imprimés. Produire une feuille de papier recyclée consomme 3 fois moins d’énergie et d’eau que de produire une feuille à partir d’une fibre vierge, rappelle l’Ademe. Préférer ce type de papier s’inscrit donc dans une démarche éco-responsable. Pour autant, les papiers à fibre vierge ne doivent pas être proscrits pour peu qu’ils soient issus de forêts gérées durablement. Pour en être certain, il convient de préférer les productions labélisées : l’Écolabel UE (la fleur européenne), le Nordic Écolabel, l’Ange bleu, le PEFC ou encore les FSC, FSC mixte ou FSC recyclé. Sans surprise, opter pour des toners d’encre recyclés s’impose également. Mais le réflexe du recyclé ne doit pas influencer nos seules habitudes d’achat. Il doit également faire évoluer nos pratiques de gestion des déchets de la ligne papier & impressions. Sur ce point, il convient d’ailleurs de rappeler que depuis 2018, toutes les entités professionnelles (entreprises, établissements, regroupement d’entreprises sur un même site) regroupant plus de 20 personnes sont dans l’obligation de trier leurs déchets papier (art. D543-285 et s du Code de l’environnement). Cette obligation concerne les impressions, les livres, les publications de presse, les articles de papeterie façonnés, les pochettes postales, le carton, etc. Dans les faits, le plus simple est ici de mettre à disposition de chaque collaborateur et à côté de chaque imprimante une corbeille dédiée au papier. Réutiliser les cartons de ramettes pour jouer le rôle de ces fameuses corbeilles s’inscrit parfaitement dans cette démarche. Une feuille de papier peut être recyclée jusqu’à 7 fois et une feuille de carton jusqu’à 10 fois, précise l’Ademe. Comme avec les impressions papier, la première chose à faire est d’identifier les situations de gaspillage et de les bannir. En matière de gestion des courriels, cela se traduit avant tout par la suppression des envois inutiles. Il peut, par exemple, s’agir du célèbre « répondre à tous » qui, le plus souvent, est injustifié, du mail de confirmation de réception d’un autre mail ou de courriels envoyés en « copie » à des personnes qui ne sont pas concernées par le courriel quand ce n’est pas le dossier traité. Ensuite, il est conseillé de prendre en compte le poids des courriels, partant du principe que plus le volume d’informations contenu est important, plus leur impact sur l’environnement est élevé. On devra ainsi chasser des courriels les pièces jointes inutiles et préférer des fichiers compressés ou en basse définition (images, PDF…). Une image en basse définition doit également être choisie pour le logo de signature automatique du courriel. En outre, il convient d’éviter de répondre à son interlocuteur à lui renvoyant les pièces jointes qu’il vient de nous faire parvenir. Enfin, le stockage, notamment sur des serveurs de messagerie distants, étant également énergivore (25 % des gaz à effets de serre produits par le numérique le sont par les seuls data centers, rappelle l’Ademe), il est impératif de supprimer de ses boîtes de réception et d’envoi tous les courriels ayant déjà été traités. Si un quart des gaz à effet de serre générés par les activités du numérique est le fait des data centers, près de la moitié (47 %) provient de la fabrication de l’usage et du traitement en déchet des smartphones, ordinateurs, tablettes et autres GPS que chaque jour nous utilisons à titre personnel ou professionnel. Étendre leur cycle de vie constitue donc la première démarche à mettre en œuvre. Cela revient à, d’une part, les utiliser plus longtemps (ne pas céder à l’attrait du dernier modèle, réparer plutôt que changer, entretenir correctement…) et, d’autre part, en fin de vie professionnelle, s’ils fonctionnent encore mais ne répondent plus aux besoins, à les proposer à des ateliers de reconditionnement (beaucoup sont des associations ou des entreprises d’insertion) qui, après les avoir restaurés, les remettront sur le marché. Pour limiter les impacts écologiques de son parc de machines, il est également conseillé de prendre en compte cet aspect dès l’achat. Concrètement, là encore, il faut se fier aux éco-labels (l’Écolabel UE, le Nordic Écolabel, l’Ange bleu, Epeat, TCO…) qui vont distinguer les machines les plus sobres, accueillant moins de substances dangereuses pour la santé et facilement recyclables. En outre, il est important de préférer, lorsque cela est possible, des matériels structurellement plus sobres. Par exemple, on préfèrera un ordinateur portable dont la consommation d’énergie, selon l’Ademe et Greenit, varie de 30 à 100 kWh/an à une station fixe (120 à 230 kWh/an). Dans le même esprit, une imprimante multifonctions (scanner, impression, photocopieur) consomme 50 % d’énergie de moins que les 3 appareils qu’elle remplace, précise l’Ademe. Vous l’aurez compris, la transition écologique, même si, dans le cas présent, elle se limite à la gestion des documents, ne peut se résumer à l’adoption d’une succession de gestes vertueux. Elle doit, pour réussir, faire partie de la culture de l’entreprise, de ses valeurs et ainsi être portée par l’ensemble des collaborateurs, mais aussi des dirigeants. Sans quoi elle ne sera vécue que comme une simple mesure d’économie et peinera à s’imposer, voire sera brutalement rejetée. Aussi convient-il de faire de son adoption un véritable projet d’entreprise porté par la direction et mis en œuvre avec une approche de conduite du changement. Cela suppose que les collaborateurs prennent une part active dans la définition des objectifs, des points d’étapes, mais également des actions d’accompagnement.
Article publié le 04/10/2019 - © Les Echos Publishing